Histoire des archives de la grande chancellerie de la Légion d'honneur
Histoire des archives de la grande chancellerie de la Légion d'honneur
La création de la Légion d’honneur
A la suite d’âpres discussions, le projet de la Légion d’honneur porté par Napoléon Bonaparte, premier consul, est adopté le 19 mai 1802. La première remise de décoration a lieu en 1804.
La question de la conservation des archives de l’ordre intéresse immédiatement le premier grand chancelier, Bernard de Lacepède. Un pavillon leur est consacré au sein du palais de Salm acquis en 1804. Joseph Durieux, archiviste de la grande chancellerie entre 1902 et 1910, notera toutefois que l’on possède peu d’informations sur le classement utilisé pour les différents fonds par les collaborateurs de Lacépède. Au retour définitif de la monarchie en 1815, l’ensemble des dossiers est repris. Les premières éliminations ont alors lieu : les dossiers des légionnaires décédés sont détruits, tous les dossiers de légionnaires encore vivants mais qui n’ont pas prêté le serment de fidélité au roi Louis XVIII, sont également éliminés. Tous les dossiers conservés reçoivent alors un nouveau matricule.
La Commune et la Semaine sanglante
Le 23 mai 1871, au cours des événements de la Commune et de la Semaine sanglante, l’incendie du palais de Salm entraîne la destruction d’un grand nombre de documents d’archives. Au début du XXe siècle, Joseph Durieux déclare ainsi :
Tout a été brûlé, brûlé sans relâche et sans bruit, - comme dans un étouffoir dont on aurait fermé la porte ; - papiers et parchemins n’ont laissé qu’une poudre impalpable et légère.
Une partie des documents est néanmoins sauvegardée car entreposée depuis 1868 aux Invalides. Le général Vinoy, grand chancelier de la Légion d’honneur, lance une souscription pour reconstruire le palais et fait reconstituer les dossiers perdus avec l’aide des mairies, des préfectures, des Archives nationales etc. Ainsi, le musée de la Légion d’honneur et des ordres de chevalerie conserve encore aujourd’hui une collection d’ampliations de décrets de nomination et de promotions allant de 1803 à 1871, complétée par la suite jusqu’à l’année 1934.
Le sort incertain des archives de la grande chancellerie
A l’archiviste Joseph Durieux, succède Paul Feuillâtre qui meurt sur le front le 20 septembre 1914. Celui-ci n’est pas remplacé par la suite. Après sa création en 1925, le musée se voit en effet affecter le travail de classement des dossiers et de sélection des documents essentiels à l’histoire de l’institution, en plus de la gestion et de la valorisation de ses collections d’objets. Ses réserves sont rapidement envahies par l’afflux permanent de nouveaux versements mais il faut attendre la seconde moitié du XXe siècle pour que des mesures soient prises à cet égard.
Les archives sont entreposées de 1871 à 1939 dans un local qui leur a été spécialement affecté dans le palais de Salm. En 1939 les cartons d’archives sont évacués puis rapportés en 1945. La grande chancellerie manque alors de place, les anciens locaux d’archives étant désormais dédiés à l’administration. Les archives sont alors entreposées dans les caves de la grande chancellerie ou dans les combles du musée de la Légion d’honneur.
Première réorganisation des archives après-guerre
En 1957, le général Catroux, grand chancelier entre 1954 et 1969, met en place une réforme administrative importante au sein de la grande chancellerie. Dès 1958, un travail de tri et d’élimination de doublons est mené dans les fichiers papier de la Légion d‘honneur, un fichier unique est créé et le classement par ordre numérique des matricules des dossiers de décorés se substitue au classement alphabétique jusqu’alors en vigueur.
Conservées depuis leur création et jusqu’alors par chacune des maisons d’éducation, leurs archives respectives ne souffrent ni de déménagements ni d’incendies. En 1962, à la fermeture de la maison installée au château d’Ecouen, les dossiers sont rapatriés aux Loges.
Les premiers versements aux Archives nationales
En 1974, Claude Ducourtial-Rey, conservatrice du musée et archiviste-paléographe, verse aux Archives nationales plus de 200 000 dossiers de décorés de la Légion d’honneur, décédés avant 1954. Le fonds présente cependant des lacunes dues à des pertes d’origines diverses. Ainsi, les dossiers du Premier empire ont été presque entièrement détruits à la Restauration et seuls ont été préservés ceux des membres ayant prêté serment à Louis XVIII.
Il est suivi d’un second versement en 1980 de 175 000 dossiers de décédés entre 1954 et 1977 : au total plus de 380 000 dossiers de décorés sont pris en charge, sans inventaire, par les Archives nationales, qui, devant l’intérêt des lecteurs pour ces documents, développent une application décrivant précisément chacun des dossiers et donnant accès à leur version numérisée : Léonore .
Le tournant du XXIe siècle
En 2002, le bicentenaire de la création de la Légion d’honneur est l’occasion d’un renouveau dans la connaissance des archives de l’institution. Un Guide de recherches en histoire de la Légion d‘honneur est initié et coordonné par Laurence Wodey, historienne alors attachée au Musée, pour présenter l’ensemble des sources relatives à cette institution en France. 360 cartons sont également versés aux Archives nationales.
Dans les années 2000, l’aumônier de la maison d’éducation de la Légion d’honneur à Saint-Denis, l’abbé Gabriel Grimaud, réunit l’ensemble des archives des maisons dans une cave de cet établissement.
Malgré ces versements et réorganisations, le risque d’une saturation des locaux et de la dégradation des documents, conservés dans des caves humides et poussiéreuses, demeure.
Prémices et lancement de la mission « Mémoire de l’honneur »
A partir de 2014, une mission interne est créée pour reprendre en main la question des archives. Les conditions de conservation précaires des documents et le manque de place font émerger un projet d’aménagement d’un bâtiment spécifique. Afin de mener à bien le projet de sauvetage des archives de la Légion d’honneur, un poste de conservateur d’archives est créé en 2019 pour superviser l’ensemble du projet : reconditionnement, déménagement des archives dans un nouveau lieu de conservation, numérisation et mise en ligne, versements aux Archives nationales.
L’impulsion est donnée, il faut sauvegarder ce patrimoine que représentent les archives de la grande chancellerie : le projet "Mémoire de l’honneur" voit le jour.
Il est toujours en cours, soutenu par de nombreux mécènes.
Quelques chiffres
2,5 km linéaires de documents - soit la distance totale que couvrirait l'ensemble des cartons d'archives si on les alignait le long d'une route - ou sur des étagères !
1 000 000 décorés de la Légion d’honneur
657 ml (mètres linéaires) de dossiers de décorés décédés de la Légion d’honneur
1 500 000 décorés de la Médaille militaire
33 ml de dossiers de décorés décédés de la Médaille militaire
300 000 décorés de l’ordre national du Mérite
156 ml de dossiers de décorés décédés de l’ordre national du Mérite
1 000 décorés de la Médaille nationale de reconnaissance aux victimes du terrorisme
60 000 dossiers d’élèves des maisons d’éducation de la Légion d’honneur